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André Rouault

par Jacques Rouault

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4 mai 2012

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Jacques-Deric Rouault, 2012. Biographie d'André Rouault. Rastell Toull page C116.

Avertissement au lecteur

     Dans cette page, je vous présente une biographie de mon grand-père André Rouault. En fait, c'est plus que mon grand-père, c'est mon second père, car c'est lui qui m'a élevé, en me considérant comme son second fils, puis comme son seul fils, après la brouille définitive entre lui et son fils unique - qui n'est autre que mon père. A la suite de cette rupture, il ne désignait plus son fils André-Paul que sous le vocable Le père de Jacques ... André Rouault avait reporté sur moi tout les espoirs qu'il avait porté sur son fils, espoirs déçus par la suite. Charge à la fois flatteuse et lourde à porter. J'espère être à la hauteur et ne pas le décevoir !

    A son décès, mon grand-père m'a transmis toutes ses archives sur sa famille, la Bretagne, le Maroc ... Avec le recul, je me rends compte à quel point ces archives sont exceptionnelles et uniques. A moi la responsabilité de les sauvegarder, de les communiquer, de les mettre en valeur, ce que d'une certaine façon, je commence à faire sur ces pages web.

    Attention à ne pas confondre mon grand-père avec le résistant homonyme André Rouault fusillé à Nantes le 29 Janvier 1943, sans relation de parenté à ma connaissance.

Biographie

Etat Civil

    André Célestin Casimir Rouault est né à Landivisiau (Finistère) le 7 Octobre 1900. Il est le fils de Paul Rouault et de Emma Tréanton. André Rouault s'est marié le 25 Septembre 1923 à Guingamp (Cotes d'Armor) avec Marie Jézéquel, née le 9 Juin 1899 à Guingamp. Ils ont eu un fils, André Paul Rouault, né en 1925 à Bois-Colombes (Hauts de Seine). André Rouault est décédé à Pornic (Loire Atlantique) le 2 Décembre 1988. Leur fils André-Paul est décédé à Bamako (Mali) le 21 Septembre 1992. Marie Jézéquel est décédée le 20 Septembre 1995 à Pornic.

Environnement familial

    Des racines de Haute-Bretagne du coté de son père (Rennes, le nord de la Sarthe), de Basse-Bretagne du coté de sa mère (Landivisiau), André Rouault se définissait comme Breton. Si la branche sarthoise ancienne était constituée d'agriculteurs, les parents et grand-parents de sa branche patenelle étaient employés au télégraphe Chappe, à la poste (facteur), et principalement aux Chemins de fer de l'Ouest : son père Paul était chef de gare. Son grand-père maternel Casimir Tréanton, avait fondé avec son frère Armand une petite entreprise de fonderie et de travail du métal à Landivisiau. A la mort de son mari, Pauline Le Bras, veuve de Casimir, avait créé un magasin de vêtements, de tissus et de nouveautés. André Rouault aimait à raconter que son arrière-grand-père était colporteur et parcourait les fermes de la campagne de Landivisiau. 

    La famille de son épouse Marie Jézéquel est issue d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs propriétaires de Belle-isle en Terre, de Plounerin et de Lanvellec et de Guingamp (Cotes d'Armor).

    Pour résumer, André Rouault comme son épouse sont issus d'une classe sociale intermédiaire et relativement modeste d'artisans, de commerçants, et d'employés.

1900-1907  Naissance et petite enfance

    André Rouault naît en 1900 avec le XXe siècle. Ses parents ne savent pas quel prénom lui donner, et décident de lui attribuer le nom du saint de son jour de naissance. Pas de chance, pour le 7 Septembre, c'est la Saint Cloud ; il aurait donc dû s'appeler Cloud Rouault. Un petit voisin, qui s'appelait André, s'est indigné contre ce choix ; en conséquence les parents lui ont attribué le prénom de ce voisin. Casimir, c'est le prénom de son grand-père maternel, et pour le troisième prénom, c'est celui de son oncle, Célestin Kerdilès, boucher de son état, qui sera son parrain.

    A sa naissance, il avait une sœur année, Paule, née en 1898. Le logement de fonction de ses parents, chef de gare à Levallois-Perret était très exigu, si bien que Pauline Le Bras, sa grand-mère maternelle a gardé André chez elle pour l'élever. Sa mère de lait sera Maryvonne, épouse de Fanch Bodélès, forgeron à Landivisiau, dans le récit autobiographie d'André Rouault, Les chroniques landivisiennes. Maryvonne est une bretonne pure beurre salé, sa langue maternelle le breton, et son frère de lait, Louis Guillerm, le futur curé de l'Ile de Sein. C'est plus tard, à l 'école, chez les sœurs, qu'on lui interdira de parler breton et qu'on l'obligera à parler français : Il est interdit de cracher par terre et de parler breton ...

1907-1923  Les premières années

    En 1907, son père obtient un poste de chef de gare à Plounerin et André rejoint ses parents. Sa grande sœur Paule était décédée quatre ans plus tôt, et il eut cette même année un petit frère, Paul. A douze ans, après avoir fréquenté l'école communale de Bégard, André Rouault passe avec succès son certificat d'études et son brevet élémentaire, et part continuer ses études en pension au lycée Chevrolier à Angers.

    En 1915, il est reçu, toujours à Angers, au concours d'entrée aux Arts et métiers, et trois ans plus tard, reçoit en 1918 son diplôme de fin d'études. Dans la foulée, il passe avec succès le concours d'entrée aux chemins de fer de l'Etat et exerce pendant deux ans le métier de dessinateur industriel au service du chauffage à Paris, puis au bureau d'études industrielles de la Folie-Nanterre. Suivent ensuite trois années de service militaire au 6e génie à Angers, avec en 1923, une participation à l'occupation militaire de la Rhénanie. Durant son service, André Rouault a été champion militaire de l'ouest du 100m.

1923-1930  Début de la vie professionnelle en région parisienne

    Après son service, il retourne à son métier de dessinateur, puis démissionne pour entrer en 1924 chez Paisseau, à Courbevoie, comme attaché de direction, puis directeur de la SADA, une société qui fabriquait les premières matières plastiques en nacrolaque, matière obtenue en traitant des écailles de poisson, ce qui lui conférait de magnifiques irisations. En 1927, il quitte SADA pour créer sa propre société, Fiat lux, à La Garenne-Colombes, où il concevra et fabriquera des abats-jours et des objets décoratifs en nacrolaque. A cet époque, André Rouault participe à la création d'associations bretonnes locales, crée un journal, Chroniques bretonnes, organise le pardon des bretons de banlieue.

1930-1939  Plounerin

    En 1930, il tombe malade (tuberculose?) et doit s'installer à la campagne. Avec son épouse et son fils, ils vont s'installer à Plounerin, où il a passé une partie de son enfance, et où s'est retirée une tante de sa femme qui va les aider matériellement. Sur place, il fait la connaissance de Louis Even, poète et journaliste local, qui l'encourage et le guide dans le métier de journaliste. Correspondant local des journaux Ouest-éclair, Le novelliste de Bretagne, Le courrier du Finistère, au fil des interviews, il fait la connaissance d'Alexis Carrel, le prix Nobel qui s'était retiré à l'île Saint Gildas, et de Charles Lindbergh qui avait acquis en 1938 une propriété sur l'île Illiec à proximité de Port-Blanc. De 1937 à 1939, André Rouault devient le rédacteur en chef de La volonté bretonne. Durant cette période, de 1933 à 1939, il est élu conseillé municipal de Plounerin.

    En 1911 avait été inaugurée devant la mairie de Rennes une statue en bronze représentant une femme à genoux (La duchesse Anne de Bretagne) devant ses maris successifs, les rois de France Charles VIII et Louis XII, cette statue commémorant le rattachement de la Bretagne à la France. Les indépendantistes bretons jugeaient ce symbole humiliant et l'appelaient Le monument de la honte. En 1932, nuit de la date anniversaire, ce monument était dynamité par des activistes de la branche armée Gwen Ha Du (blanc et noir, la couleur du drapeau breton) du Mouvement nationaliste breton. En bon journaliste, André Rouault arriva très vite sur les lieux de l'attentat, trop vite au goût des enquêteurs de la police. En totale absence d'information, l'enquête piétine. Les enquêteurs soupçonnent alors André Rouault d'avoir été averti du projet et l'incarcèrent pour qu'il communique ses sources d'informations. Mais il n'en dira pas davantage que les passants qui ont vu les artificiers poser leurs charges, et qui se sont dispensés de dire ce qu'ils avaient vu, en dépit des offres alléchantes de récompense.

1939-1945  La guerre

    1939, c'est la guerre et André Rouault est rappelé comme sergent major et envoyé dans les Ardennes. Son courrier à la famille est censuré comme trop défaitiste. Après la percée des blindés allemands vers la cote atlantique, sa compagnie composée de bretons, d'angevins et de vendéens, plus une compagnie de combattants espagnols qui ne parlaient pas le français, doit se replier au sud. Le groupe en retraite traversera à pied l'Alsace, la Bourgogne et le massif central, avant d'être démobilisé à Vic-sur-Cère. Son commandant ayant perdu la raison du fait de la débâcle, André Rouault avait pris le commandement du groupe, avant d'être démobilisé avec le grade de lieutenant.

    La France coupée en deux, le pouvoir central affaibli, la nation bretonne reprend du poil de la bête, et se met à espérer. En 1941, un nouveau quotidien, La Bretagne se crée à Brest. André Rouault en devient le secrétaire puis le rédacteur en chef. Durant ces années, il se rapproche de la mouvance Breiz Atao, plus par sympathie nationaliste identitaire bretonne que par conviction politique. Le 19 Octobre 1943, André Rouault est licencié, et le conseil d'administration de son ancien employeur le dénonce à la Propaganda Steffel de Quimper, afin d'éviter d'avoir à payer les indemnités de licenciement. André Rouault est accusé de faire partie de la résistance et d'avoir favorisé la sortie de communistes de camps d'internement. Il est arrété par la Gestapo, interné à Morlaix puis à Rennes jusqu'en Décembre,. En dépit de 3 perquisitions effectuées chez lui, aucune preuve formelle n'a pu être établie, et André Rouault est relaché le 5 Mars 1944, mais expulsé de Bretagne. Il regagne Paris où il est assigné à résidence. Il passe ensuite dans la clandestinité jusqu'à la libération.

1945-1949  L'après-guerre

    Avant la libération de Paris, il devient secrétaire de rédaction au Figaro, fonction qu'il assura jusqu'au 20 Juin 1946, date où il est arrêté et traduit devant le tribunal de Rennes pour avoir collaboré durant l'occupation, le quotidien La Bretagne ayant été financé en sous-main par les services allemands de la propagande. Il est condamné à un an de prison et à l'indignité nationale. En particulier, il n'a plus le droit d'exercer le métier de journaliste. Avec humour, André Rouault dira plus tard qu'il a été condamné deux fois pour les mêmes faits : par les allemands durant l'occupation, puis par les gaullistes à la libération.

    Mais les nouveaux partis politiques d'après-guerre ont besoin de journaux pour mener des campagnes de presse afin de faire élire leurs députés. Le Parti Radical va chercher André Rouault, pour lui confier la rédaction en chef des Nouvelles Dépêches de Dijon , avec pour but explicite de faire élire dans le Jura un jeune politicien inconnu, qui avait été battu l'année précédente à Paris : Edgar Faure. Sous le pseudonyme de Jean-Paul Berger, il réussit la manoeuvre. En 1948, sous le même pseudonyme, il deviendra le rédacteur en chef de La Tribune de Saône et Loire, à Chalons sur Saône.

1949-1956  Journaliste au Maroc

    Par des relations, André Rouault apprend qu'au Maroc, le groupe Mas, qui vient de récupérer le titre du journal Le Petit Marocain après la faillite du Petit Marocain syndicaliste sous le contrôle de la CGT locale, cherche un rédacteur en chef. André Rouault part à Casablanca fin 1949 et lance le nouveau journal, et maintenant, il n'a plus besoin de se cacher sous un pseudonyme. Sa famille le rejoindra au Maroc quelques mois plus tard. De part son rôle de journaliste, André Rouault tisse des liens avec tout ce qui compte au Maroc : les européens comme les marocains, les colons comme les fonctionnaires français, les représentants de la Résidence Générale comme les libéraux, les membres de la famille royale comme le Glaoui, ou encore les voix marocaines qui s'élèvent contre le protectorat. C'est dans cette période troublée qu'il fait la connaissance de Mehdi Ben Barka, Abderrahim Bouabid, Ahmed Balafrej, Réda Guedira, Karim Lamrani, Ahmed Benkirane, Mahjoub ben Seddik, et bien d'autres, dont les noms me sont familiers. Un matin, en allant au travail, il trouve un voisin qui n'arrive pas à démarrer sa voiture. Il l'aide à pousser sa voiture. Ce voisin de Casablanca, instituteur sous le protectorat, allait devenir l'un des principaux ministres de l'indépendance. Le seul opposant marocain pour qui il avait nettement moins d'estime était Allal el Fassi, mais j'en ignore les raisons.

    Le groupe Mas, qui exprimait l'opinion du parti majoritaire des colons, avait deux journaux : Le petit marocain, journal du matin, qui se prépare durant la nuit, et La Vigie Marocaine, un journal de l'après-midi, dirigé par le Dr Eyraud. On pourra remarquer, dans les différentes analyses qui se rapportent à cette période, que toutes les grandes déclarations conservatrices du parti des colons, y compris celles favorables aux ultras, sont faites dans La Vigie Marocaine. Le Petit Marocain n'est pratiquement jamais cité. La raison en était que son rédacteur en chef, André Rouault s'attachait à une ligne éditorialiste très stricte, en s'en tenant uniquement aux déclarations officielles de la Résidence et aux informations internationales des agences de presse. En 1955, Pierre Mas licencie le rédacteur en chef du Petit Marocain. La raison en est facile à deviner : il est raisonnable de penser qu'André Rouault a, d'une façon ou d'une autre, refusé d'écrire un éditorial ou de faire passer un papier qu'il jugeait trop partial, et/ou que sa ligne éditoriale est apparue trop favorable aux libéraux aux yeux de son directeur. Car André Rouault et Antoine Mazella se connaissaient, et je soupçonne qu'ils échangeaient régulièrement des informations, de façon très discrète, comme cela se pratique toujours dans la grande famille des journalistes : les papiers qui n'étaient pas publiables dans le journal de l'un étaient gracieusement communiqués au journal de l'autre. Je n'ai aucune preuve de ce que j'avance ici, mais sachant comment les choses se passent dans ce milieu, c'est plus que très probable. Et puis, à la maison, le nom d'Antoine Mazella m'était familier, et je me souviens de la consternation (le mot est faible) de mon grand-père le jour où Mazella a fait l'objet d'un attentat à son domicile. Quand au nom du Dr Eyraud, assassiné en 1954, ce n'est qu'en reprenant les études sur cette période troublée que j'ai découvert son nom.

    Suite à ce licenciement, André Rouault assigne en justice son ancien employeur pour licenciement abusif : du jamais vu au Maroc ! Quelqu'un ose s'attaquer au puissant groupe Mas ! Et en plus, il gagne son procès ! Mais ce n'est pas le tout, il faut trouver un autre travail.

    En 1955-56, André Rouault est recruté dans le projet TELMA, une télévision commerciale privée à Casablanca, en compagnie du journaliste Georges de Caunes, toujours accompagné de son fidèle épagneul. Mais le projet n'aboutira pas et le groupe Publicis de Marcel Bleustein-Blanchet jettera l'éponge.

1956-1970  La CGEM à Casablanca

    Cette même année la CGEM (Confédération Générale Economique Marocaine), le syndicat de patrons (européens) du Maroc, cherche un journaliste pour créer et animer un journal d'informations économiques distribué à ses adhérents. André Rouault est recruté et monte le CEDIES (Centre d'Etudes et D'Informations Economiques et Sociales). Ce journal hebdomadaire, qui existe toujours, présente une synthèse des nouvelles législations, annonce les futurs dahirs, énonce les règles de bonne gestion qu'il convient de suivre, et permet aux responsables de se tenir facilement au courant de toutes les nouveautés dont ils ont besoin pour leur gouvernance d'entreprise. André Rouault deviendra secrétaire général de la CGEM, puis, après le départ de Christian Allais, délégué général, jusqu'à son départ à la retraite en 1970. Il connaîtra différents présidents : Marcel Conchon (1955-1959), Lorrain Cruse (1959-1962), Georges Nesterenko (1963- 1965), Jean Imberti (1966-1967), Roger Savin (1967-1969), Mohammed Amor (1969-1984), et de nombreux vice-présidents comme Marcel Dolbeau. Comme il se plaisait à la dire, Je n'ai pas un patron, mais 2500 patrons.

    Toutes les semaines, le jeudi, André Rouault prenait la route de Rabat, et faisait ce qu'il appelait la tournée des ministères, en particulier ceux de l'économie, de l'industrie, du travail, afin de glaner à la source toutes les informations utiles pour le CEDIES. En Juin 1957, à l'invitation du CNPF (le patronat français), il a organisé un voyage d'études en France avec une quinzaine de responsables et chefs d'entreprises marocains.

    Un jour, il se rend à Rabat pour une réunion de travail avec les ministres concernés. A l'époque, pour aller de Casa à Rabat, ce n'était pas l'autoroute - qui n'existait pas encore - mais la GP1, une route à deux voies tellement dangereuse qu'on l'appelait la route rouge. Ce jour là, la GP1 devait être particulièrement encombrée, si bien qu'André Rouault arrive en retard à la réunion. Il se glisse le plus discrètement possible jusqu'à la place qui lui était réservée. Et alors, le Sultan Mohammed V, qui présidait la réunion, se lève et vient saluer le délégué général de la CGEM, qui ne savait plus où se mettre.

    Quand un conflit social se déclarait dans une entreprise, et qu'au bout de quelques jours la grève commençait à s'enliser, André Rouault se retrouvait avec Mahjoub ben Seddik, qui dirigeait l'UMT (l'Union Marocaine du Travail, le principal syndicat marocain). Tous deux, qui se connaissaient depuis le protectorat, définissaient alors un compromis acceptable pour les deux parties, sans vainqueur ni vaincu. Pour garder son entière liberté d'action, André Rouault s'abstenait de fréquenter les très nombreux cocktails de la haute société casablancaise, et retournait systématiquement les cadeaux de valeur ou les chèques pour services rendus, ce que certains avaient beaucoup de mal à comprendre.

    Parce qu'il aimait gardé de ses origines bretonnes proches de la terre un goût pour la chose agricole, André Rouault avait accepté d'être administrateur d'une société horticole Elevage et production qui produisaient des fleurs à Skrirat, et qui avait un magasin Roselys (anciennement Dandelot) boulevard Mohammed V à Casablanca. Mais cela à une condition : d'être uniquement payé en nature, si bien que toutes les semaines, son épouse recevait un énorme bouquet de fleurs qui décorait la maison. André Rouault était également aminateur du groupe Amitié et coopération, créé par Alexandre Parodi, groupe qui trouvait du travail au Maroc, comme en France, à des chomeurs marocains.

    Pendant cette période, amateur d'art éclairé, André Rouault cherche la perle rare dans différents souks et médinas : l'ancienne médina de Casa comme la nouvelle, le derb Ghallef où il passe tous les jours, le derb Korea, le derb Lalla Chraiba, qu'il était le seul européen à fréquenter … Lors des émeutes de Mars 1965, il s'est abstenu de ballade pendant 15 jours, c'est tout. Ces visites lui permettaient de maintenir un contact permanent avec le peuple marocain qu'il aimait beaucoup.

1970-1988 La retraite à Pornic

    En 1970, André Rouault a 70 ans. Jusque là, il était resté en poste parce que son petit-fils qu'il élevait (moi) poursuivait encore ses études, et parce le Palais royal le lui avait demandé. Mais comme j'étais déjà parti en 1969 à Nantes pour y faire mes études supérieures, mon grand-père a discrètement organisé, par étapes, son remplacement, son déménagement et son retour. André Rouault et son épouse se sont retirés dans leur maison de Pornic, un petit port du sud de la Bretagne. Là, il a continué à collectionner ses antiquités, à peindre, à aller à la pêche à pied ou au carrelet, et à cultiver son jardin. Il s'est éteint en 1988 et est enterré avec son épouse, dans une modeste tombe familiale du cimetière de Pornic.

    André Rouault avait été décoré de la croix de guerre en 1940, et est chevalier du mérite agricole (le poireau comme il le disait) en 1966 en tant qu'administrateur de Skrirat, mais il a toujours refusé la Légion d'honneur. Il a également été décoré par le Maroc du Ouissam Ach Choghl en 1969 au titre de son rôle à la CGEM. Il ne portait jamais ses décorations.

Oeuvres

    Durant ses plus de 60 ans de vie active, André Rouault a beaucoup écrit, beaucoup dessiné et beaucoup peint. Parmi ses écrits, des mémoires de jeunesse (Les chroniques landivisiennes), des articles de presse, Les propos de Monsieur Plume, des critiques d'art (signées Jean-Paul Berger), des contes (La légende de Napoléon breton, canular qui court toujours), et beaucoup de choses à redécouvrir. Coté graphique, des croquis de jeunesse, des peintures à l'huile sur toile, carton, isorel, figuratives comme abstraites, …, des aquarelles, des gravures sur bois (An tornaod), ... l'inventaire est loin d'être achevé. Il reste également de nombreuses photographies (diapositives) qu'en tant que peintre, il savait cadrer de façon très artistique.

Le personnage

    André Rouault n'était pas grand (1m 68), mais rablé, avec des cheveux coiffés en brosse comme un militaire, et mangés aux mites comme il le dira lui-même à la fin de sa vie. Si son apparence physique pouvait paraitre assez anodine à première vue, on se rendait vite compte (et beaucoup à leur dépends) de sa forte personnalité : l'oeil vif et la pratique de la phase assassine. Dans ses débuts de journaliste, n'avait-il pas écrit qu'Albert Lebrun, alors Président de la République, qui n'était pas - et de loin - un arbitre des élégances, allait acheter ses pantalons au carreau du temple, où se tenait une bourse du vetement d'occasion ;  aujourd'hui, on dirait aux puces de Saint Ouen. Un vieux journaliste lui avait prédit qu'il finirait par mettre de l'eau dans son vin, mais cela n'a pas été le cas, au contraire : le vin du Maroc ne se distingue-t-il pas par son titrage supérieur ? Par principe, André Rouault ne revenait jamais sur ses décisions, à l'image de sa grand mère qui l'avait élevé (voir les Chroniques landivisiennes). 

Envoi

    Une carrière riche et chahutée, dans un siècle qui a connu bien des soubresauts. André Rouault avait une personnalité forte, des convictions bien ancrées, et un art de reécrire l'histoire en enchantant son public. Laissons son ami Lorrain Cruse le dépeindre, dans la dédicace du livre La spéculation en 1970 : A André Rouault, mon secrétaire général préféré, breton et marocain, catholique et mécréant, faiseur de bonnes œuvres et de mauvaises actions, peintre, collectionneur, acerbe et chaleureux. Bref à un ami, en souhaitant que le journaliste accepte cet essai préfacé par un collègue, comme une distraction dans sa retraite méritée, mais regrettée.

Commentaires

    Cette biographie a été rédigée à partir des notes que j'avais prises de son vivant, il y maintenant une trentaine d'années, quand je l'interrogeais sur sa vie et sa famille, dans le but d'intégrer tout cela dans la généalogie familiale. Je suis très heureux de l'avoir fait pendant qu'il en était encore temps.

    Quand j'avais mis au propre ses souvenirs d'enfance que j'ai regroupé sous le titre Chroniques landivisiennes, j'avais rédigé une première biographie. Début Janvier 2012, j'ai été contacté par un Haut commissaire marocain du ministère des anciens combattants pour la rédaction de biographies concernant le Patronat libéral au Maroc durant le Protectorat français. Cela a été l'occasion de développer cette biographie.

    Certains points restent à éclaircir et à préciser.

    Les opposants marocains que mon grand-père a fréquenté durant le protectorat. Il en a rencontré beaucoup. Je suis absolument sûr de Mehdi Ben Barka, car lors de l'affaire Ben Barka en 1965, il m'en a reparlé à ce moment là. Pour les autres, s'il les connaissais tous, il m'est difficile de certifier si la première rencontre a eu lieu sous le protectorat en tant que journaliste, ou plus tard dans le contexte de la CGEM durant l'indépendance. Je ne dispose d'aucune archive écrite à ce propos, ce qui se comprend facilement vu le contexte de guerre civile des années 1953-55 au Maroc ; mon grand-père avait déjà été échaudé en France durant l'occupation. Quel dommage que je ne l'aie pas davantage interrogé de son vivant sur cette période ... Air connu !!!

    Pour l'instituteur en panne, mon grand-père m'avait relaté cette anecdote
quand, à la radio marocaine, on annonçait la nomination d'un nouveau ministre. Je suis certain que c'était un ministre important, sinon le premier, mais j'en ai oublié le nom. Reste à rechercher, parmi les ministres du Maroc de 1956 à 1970, lequel a été instituteur à Casablanca sous le protectorat, et de plus habitait près du domicile ou du bureau de mon grand-père.

    La décoration du
Ouissam Ach Choghl. J'ai la lettre de demande, datée du 7 Mars 1969 et signée de Robert Savin, mais ne n'ai pas la date de la remise effective de la décoration. D'ailleurs, a-t-elle bien eu lieu ?

Sources

André Rouault (homonyme)
http://memoiredeguerre.pagesperso-orange.fr/biogr/rouault-a.htm

Napoléon breton
6 390 références sur Google !
Je reprendrai cet épisode dans un article spécifique ...

Le carreau du temple
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carreau_du_Temple

Dandelot / Roselys
http://dafina.net/forums/read.php?52,62464,62471

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